Antisémitisme : le poids de l'héritage de Jean-Marie Le Pen

08 janvier 2025 - 16:20 - 315 vues
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Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front National, aujourd’hui devenu le Rassemblement National, est décédé à l’âge de 96 ans. Dernier député de la IVᵉ République, le « menhir » était également tristement célèbre pour ses nombreux propos antisémites. Jérémy Chicheportiche, vous revenez sur les relations tumultueuses qu’a entretenues l’ancien leader de l’extrême droite avec la communauté juive de France.

Par Jérémy Chicheportiche 

Depuis des décennies, le nom de Jean-Marie Le Pen suscite la controverse. L’ancien leader du Front National (FN) n’était pas seulement un adepte des petites phrases provocatrices : son passé judiciaire, marqué par plusieurs condamnations pour incitation à la haine, a largement contribué à son image sulfureuse. Cependant, au-delà de ses dérapages verbaux, c’est un contentieux profond et ancien avec la communauté juive qui a durablement marqué son parcours.

Yves Azéroual, journaliste et auteur de L’Arnaque, le programme du Front National enfin décrypté et réalisateur du film 7 octobre, Israël attaqué par le Hamas. L'histoire d'un massacre (disponible sur BFM play) rappelle que, bien avant de devenir une figure politique de premier plan, Jean-Marie Le Pen s’était lancé dans l’édition musicale. « Dans les disques qu’il éditait à l’époque, il y avait des chants nazis, ce qui suscitait déjà une forte réprobation », explique-t-il. Cette activité peu connue de l’opinion publique a nourri une méfiance précoce à son égard.

Le tournant décisif dans ses relations avec la communauté juive a eu lieu lors de sa tristement célèbre déclaration sur les chambres à gaz, qu’il qualifia de « point de détail de l’histoire ». Cette phrase a suscité un tollé général et renforcé l’idée, au sein de la communauté juive, d’un parti intrinsèquement antisémite. « On savait qu’il était antisémite, explique Yves Azéroual. La communauté juive s’est toujours tenue à distance des thèses et de l’idéologie d’extrême droite, et cette déclaration a confirmé cette rupture.»

Malgré les efforts de Marine Le Pen, actuelle présidente du Rassemblement National (RN), pour détacher le parti de cet héritage encombrant, le passé continue de peser. « Il y a encore des anciens membres ou des individus fondamentalement antisémites qui donnent l’impression que ce parti n’a pas complètement changé. Lors des dernières élections législatives, une vingtaine de candidats avaient tenu des propos borderline ou affiché des comportements douteux », souligne le journaliste.

Cependant, Yves Azéroual reconnaît un véritable travail de « dédiabolisation » et de « nettoyage » interne. Marine Le Pen s’est attachée à écarter les figures les plus controversées et à assouplir le discours du parti. Aujourd’hui, selon lui, « l’antisiémitisme politique n’est plus la marque du Rassemblement National ».

Pourtant, le doute persiste. Yves Azéroual conclut en citant l’écrivain et rescapé de la Shoah Elie Wiesel : « Les Juifs croient plus aux menaces qu’aux promesses. Que le RN ait changé, je veux bien le croire, mais je demanderai à la communauté juive de garder l’œil ouvert.» Une mise en garde qui résume la complexité de la relation entre le RN et une partie de l’opinion publique encore marquée par les blessures du passé.

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